Abstract
Il est couramment admis qu’il existe une corrélation, sinon un rapport de cause à effet, entre la fréquence lexicale d’une dérivation et sa productivité, mesurée à l’aune de sa force d’attraction analogique. Or cette thèse est démentie par l’examen détaillé des faits d’apophonie nominale en portugais. De deux alternances qui se partagent un sous-ensemble de nominaux, c’est la dérivation minoritaire, ainsi que le révèle l’analyse d’un corpus de 238 mots, qui, depuis le XIXème siècle, gagne lentement du terrain dans le standard de Lisbonne, et y exerce une force analogique sur l’alternance majoritaire sans commune mesure avec le phénomène inverse. On déduira de cet apparent paradoxe et de sa spécificité dialectale que le véritable moteur du changement analogique ne réside pas dans le nombre d’entrées voire de sorties lexicales, mais dans l’existence, au sein de la grammaire du locuteur, de « schèmes dérivationnels » pouvant à l’occasion être mis en concurrence sous certaines conditions distributionnelles et sociolinguistiques