Abstract
Dans cet article, je défends l’hypothèse que l’analyse éthico-politique de l’histoire des sciences par Georges Canguilhem est le résultat d’une synthèse originale de différentes interprétations de l’œuvre d’Auguste Comte soutenues par les philosophes français venus du milieu académique. Ces interprétations n’étaient elles-mêmes pas sans lien avec la reconfiguration progressive des institutions d’enseignement et de recherche sous la Troisième République (1870-1940). Je montre que cette synthèse est à l’œuvre dans la première lecture de Comte par Canguilhem, à savoir dans sa dissertation inédite La théorie de l’ordre et du progrès chez Auguste Comte (1926). J’examine d’abord la pénétration du positivisme dans le champ philosophique français sous la Monarchie de Juillet, le Second Empire et la Troisième République ; j’aborde ensuite l’interprétation de Comte proposée par Émile Chartier (1868-1951), dit Alain, mentor philosophique de Canguilhem au lycée Henri-IV ; enfin, je me concentre sur la première lecture de Comte par Canguilhem.