Abstract

Lors des mobilisations associatives et des débats parlementaires en France, la victime de la traite apparaît sous une forme idéale : jeune femme, étrangère, naïve, innocente et vulnérable, elle nécessite protection au nom de la défense des droits de l’homme. Cette victime idéale devient suspecte dès que son statut légal ou son activité sont appréhendés. L’idéalité de la victime est dissoute dans les priorités nationales qui conduisent à se protéger des « indésirables ». La tension entre les priorités du national et les principes universels produit une victime impossible, caractérisée par son absence. L’objet de cet article est d’analyser la production sociale de l’absence de la victime de la traite. La dernière partie de la présente contribution s’attache ainsi à montrer qu’au-delà d’une tension entre l’universel et le national, l’absence de la victime est aussi le résultat d’une relation sociale et des contraintes dans lesquelles sont pris les acteurs dans l’exercice de leur activité.During the mobilization by associations and the debates in the French parliament about the status of victims of trafficking in human beings, an ideal victim was presented. As a young woman – a naive, innocent, vulnerable foreigner – she needs to be protected in the name of human rights. However this victim becomes a suspect once attention shifts to her legal status or economic activity, and the ideal vanishes behind national priorities for protecting the country from « undesirables ». The tension between these priorities and universal principles produces an « impossible » victim, characterized by its absence. How has this absence of the « victim » of human trafficking been socially produced? Besides the foregoing tension, it also results from a social relation and from restrictions on the activities of the police, judges and associations