Diogène n° 235-235 (3-4):62-80 (
2012)
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Abstract
Pour édifier une communauté à partir d’une identité commune
qui respecte aussi les différences, il faut traverser deux gouffres
différents. Le premier est la division entre groupes ethniques, dont
j’ai parlé plus haut ; le deuxième, la rupture entre les générations.
Les jeunes Kényans d’aujourd’hui peuvent-ils bâtir une communauté
avec leurs aïeux et parvenir à se comprendre mutuellement
sur des questions telles que la valeur et l’identité ? Le problème
n’est pas nouveau. C’est en fait un thème majeur qui revient constamment
depuis les années soixante, début de l’indépendance du
Kenya. On y a souvent vu le besoin de développer une « culture
nationale » kényane partagée. Ce thème a été étudié par de nombreux
auteurs au Kenya. Je commencerai par brosser un tableau
d’ensemble en étudiant les contributions d’Okot p’Bitek, Frantz
Fanon, Bethwell Ogot et Ngugi wa Thiong’o à ce sujet dans le
contexte des années soixante et soixante-dix. J’étudierai par la
suite la contribution du philosophe kényan Henry Odera Oruka. Ce
dernier a été profondément influencé par les débats sur la culture
nationale quand il a lancé son projet de « philosophie sage » – une
approche qu’il a cru à même de jouer un rôle dans la création d’une
culture nationale kényane et qui s’est prolongée dans l’oeuvre de
Chaungo Barasa. J’analyserai enfin comment les universitaires
kényans travaillent à décrire et forger des valeurs nationales, offrant
une autre perspective que celle du gouvernement kényan, qui
tend à considérer la culture comme une attraction touristique.